jeudi 23 avril 2015

La fois où je n'ai pas vu de mimes


L’idée que je me faisais de Paris était à mi-chemin entre les chansons de Joe Dassin (période costard blanc), les bouquins de Victor Hugo et les reportages d’Enquêtes Exclusives. En gros, j’imaginais que des putes roumaines à gavroche jouaient de l’accordéon devant le Sacré-Cœur.

Et même s’il ne m’a pas été donné de rencontrer des spécimens de ce genre, mon p’tit pote, laisse-moi te dire que c’est pas pour autant que j’ai été déçue du voyage.


Para bailar la bamba

À Londres, les chanteurs et musiciens qui exercent leur art dans le métro sont préalablement auditionnés par un service spécial de la mairie et sont rémunérés par cette dernière (enfin, c’est ce qu’on m’a raconté en tout cas). Ils disposent d’emplacements réservés délimités au sol par une rosace colorée dont ils n’oseraient faire dépasser une santiag. À Paris, ça fonctionne légèrement différemment. La norme, apparemment, c’est d’avoir une enceinte ficelée à l'aide de huit tendeurs de couleurs variées, à un montant de poussette de marché, et reliée à un micro et un portable. C’est une version un peu roots du karaoké, si tu veux. 



Je vais te décrire une des scènes, que j’ai compris être assez représentative des performances artistiques locales. Jeudi matin, ligne 9 entre Rue de la Pompe et Havre Caumartin. J’étais assise dans une rame quasiment vide quand soudain débarque un petit homme qui nous tint à peu près ce langage : « Boujour madame, boujour méssieur, boujour madmoiselle, désolé d'importouner votre foyage, alors oune p’tite chasson ». Je te laisse tenter de deviner d’où vient cet accent. C’est pas pour me la péter, hein, mais j’ai un peu étudié la linguistique dans ma jeunesse (de là à dire que je tâte ma bille, je sais pas, ça fait bien longtemps que j’ai rangé mes pépites et mes boulets avec mes pogs et mes jojos) je suis encore en train de me demander, mais je pencherais plutôt pour du klingon, même si, et là je prends le risque de ternir l’image que tu t’es fait de moi, je ne le parle pas couramment.


Un jour, un suicide

Le métro, tiens, parlons-en. Je n’ai passé que quatre jours à Paris et j’ai pourtant eu le temps d’être bloquée par des « accidents graves de voyageurs » à quatre reprises et de repérer quels SDF avaient leurs habitudes sur quelle ligne. Si tu as envie d’être dépaysé, de quitter ton quotidien un peu trop confortable et de réaliser à quel point t’as bien de la chance de vivre dans un studio de 18 m2, je te conseille un trajet sur la ligne 4. Pour être dépaysant, c’est dépaysant la ligne 4. 


Tu oublies vite que tu es dans la « Ville Lumière », la capitale de la cinquième puissance mondiale. J’ai eu l’impression que le métro de Paris, et la ligne 4 en particulier, proposait un échantillonnage des différentes formes de misère humaine : abandon, solitude, dénuement, honte, bref, des problèmes bien loin du questionnement CondéNastien sur les sandales argentées : un basique polyvalent ou une insulte à la mode ?


La liberté guidant le peuple

La France est connue à travers le monde pour être le pays des libertés. Et s’il y a bien une chose sur laquelle le peuple de France ne transige pas, c’est la liberté, sous toutes ses formes. Je vais pas te reparler de l’esprit du 11 janvier et tout ça mais plutôt te donner des exemples de cet inébranlable sentiment de liberté au quotidien.


Déjà, bon, tout le monde, enfin non, pas tout le monde évidemment, mais tu me connais, je n'ai pas peur de l'excès et je ne fais pas dans la demi-mesure. Donc, où en étais-je? Oui, alors beaucoup de monde fraude le métro (décidément, j'en ai après ce métro). J'ai même vu  un mec s'offusquer qu'une autre personne l'empêche de se coller à elle dans le tourniquet. J'ai aussi vu quelqu'un fumer peinard au bord du quai. "Une cigarette électronique", que tu vas me dire. "Non, une gitane", que je vais te répondre (et pas une qui chante sur la ligne 4 - oui, je suis assez satisfaite de cette blague).



Mais ce qui m'a le plus choquée, au risque de jeter un pavé dans le marais, c'est le harcèlement de rue. Ça ne t'auras pas échappé, avant (et j'aime à dire que c'était dans une autre vie), j'étais obèse. Mais ça, comme dirait Alain Delon et ses belles lunettes, c'était avant. Donc assez logiquement (malheureusement) j'ai été victime de moqueries et d'humiliations de la part de mes camarades de classe. J'ai souvent été la dindonne de la farce, le bouquet mystère, tout ça, mais t'es pas mon psychiatre et je suis pas là pour te raconter cette période trouble de mon existence qui m'a amenée à devenir chasseur de prime, un renégat qui rôde du côté du Dakota (Lorenzo Lamas, à jamais dans nos cœurs, ou dans le mien en tout cas). Mais là, c'est un style de harcèlement bien différent dont j'ai eu le privilège de faire l'expérience. 
C'était un harcèlement à base de kiss kiss à la Tarkan avec la bouche en cul de poule, de gémissements, de regards (Stanley) lubriques et de "j'te nique, mademoiselle" (il avait eu la délicatesse d'ajouter "mademoiselle", tu me diras, on n'est peut être passé pas loin d'un "s'il te plaît", mais quand même). 

Et tu sais pourquoi j'ai eu droit à ces démonstrations d'amour courtois version XXIème siècle? À cause d'un short. Parce que le short, et je ne le savais pas, naïve que j'étais, n'a apparemment pas le droit de citer, et ce, même avec un collant (enfin, sauf si tu tiens à te faire harceler par de charmants messieurs à la sophistication toute relative) aux alentours de Pigalle, Barbès et Montmartre. Enfin ça c'est ce que je croyais. Mais j'oubliais que je me trouvais dans la capitale du pays de la liberté d'expression.

Cachez ces cuisses que je ne saurai voir

Je tiens également à remercier, parce qu'ils ont bien mérité leur place sur cette page, toutes les personnes qui ont eu l'extrême obligeance de m'indiquer que ma robe (j’ai pas porté un short pendant quatre jours, pour des raisons diverses qui m’appartiennent et surtout parce que Paris au mois de mars, c’est pas Cancun non plus) était trop courte. Laisse-moi te décrire cette scandaleuse et si indécente robe H&M collection hiver 2014-2015. De couleur noire (enfin, moi je la vois noire, mais après tout elle était peut être dorée), elle est en dentelle et possède une doublure. Pas de décolleté, des manches longues, autant te dire, on n'aurait pas dit que je sortais d'un couvent, mais pas d'une maison close non plus. 


Le gros problème de cette robe, c'est qu'elle était plus courte sur les côtés que sur l'avant et l'arrière. C'est à dire qu'elle m'arrivait à mi-cuisses sur les côtés et au-dessus du genou partout ailleurs. Un appel au viol, en somme, ou tout du moins une audace vestimentaire à laquelle les gens qui ont croisé mon chemin n’étaient pas préparés. Au cas où la particularité de la coupe de ladite robe m’aurait échappée lors de son achat, t’en fais pas, nombre de parisiens très bien intentionnés et dont les mœurs devaient être moins légères que les miennes étaient heureusement là pour me le rappeler.



Goodbye, I’m going home

Alors merci. Merci à toutes les personnes qui ont fait de ce week-end parisien un voyage fantastique et inoubliable. Merci de votre bienveillance et de votre avis non sollicité sur mes choix vestimentaires. Mais s’il vous plaît, gardez-le pour vous, comme je me suis gardée de critiquer votre manque de tact et de délicatesse. Je croyais que la France était le pays des sous-entendus, des non-dits et des tabous. Vous m’avez démontré que vous n’aviez pas peur de dire ce que vous pensiez, de tout et de n’importe quoi, et c’est une preuve de courage fort louable.


Merci aux gentlemen gominés de la Place de Clichy de m’avoir manifesté leur intérêt concernant un éventuel rapprochement physique entre eux et ma personne. Ayant un peu trop d’amour propre et d’estime de moi-même, je me vois malheureusement dans l’obligation de décliner leur offre je me contenterai de leur répondre en citant un philosophe contemporain qui se décrivait comme le séparatiste du 14ème arrondissement :
« casse-toi tu pues, et marche à l’ombre ». 
Bien cordialement.




Bref, tout ça pour dire que j'ai pas vu de mimes et seulement deux accordéonistes. Un mythe qui s'effondre.




Je ne t'en veux pas Paris, et même, j't'aime bien. Non, allez, j't'aime beaucoup. Et je reviendrai vite, promis, juré, craché, croix de bois, croix de fer.

Si je mens, je deviens bouchère.




Sur ce, paix, amour et saucisses cocktail.


In a bit, 




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