jeudi 8 janvier 2015

Les douze mousquetaires

Je ne sais pas dessiner. La chose la plus intéressante que je sache faire avec mes petites mimines c’est jouer un peu de guitare. Et encore, c’est pas parce qu’on est fier de savoir faire un barré qu’on va rivaliser avec Keith Richards. Cela dit, je peux toujours rivaliser avec lui en terme de qualité du sang ou de santé des poumons, je suis à peu près sûre que j’ai mes chances.
Quand je dis que je ne sais rien faire, je ne mens pas. Je suis du genre à ne pas savoir faire tourner une crêpe, même si on me tient la main et même si la poêle est très très beurrée. Enfin, bon, rien du tout, pas tout à fait non plus, puisque je passe mes journées à me servir de ces Knackis qui ornent si élégamment le bout de mes avant-bras. Ces saucisses onglées sont les plus rapides du Puy de Dôme de l’Est et des Monts du Forez et sont si habiles qu’elles savent naviguer entre un clavier AZERTY et un clavier QWERTY sans même avoir besoin de jeter un coup d’œil ne serait-ce que furtif au clavier. Eh ouais, moi je fais fumer le pavé numérique tous les jours dès 8h (GMT, PTT, DDE, FLNJ).
Tu l’auras remarqué, j’ai ce don fabuleux, inouï et envié de Moscou à Papeete en passant par Caracas de pouvoir écrire des lignes et des lignes pour ne rien dire. La synthèse, c’est pas ma copine, on a eu une relation tumultueuse par le passé et maintenant on est froid, bref, tu ne veux pas connaître les détails sordides de cette affaire.

Mais alors pourquoi diable ai-je commencé par te dire que je ne savais pas dessiner ? Avais-je un irrésistible besoin de confesser ce honteux secret ? Non, et je vais t’expliquer le pourquoi du comment de l’envers et de l’endroit.
Je voulais simplement dire, attention truisme, qu’au-delà des stylos, des crayons et des dessins, de tout ce que l’on peut faire avec ses dix doigts (chiffre variable, on est d’accord, mais bon, on va dire dix à peu près), on peut tous exprimer des mots. Des mots de colère, des mots de haine, des mots d’amour, des mots doux, des mots tout courts.
Et avec ces mots, mis bout à bout, on formule des pensées.
Et ces pensées, on a le droit de les exprimer.
Pas forcément en criant, pas forcément en hurlant, pas forcément à voix haute.
Je ne fais pas partie de ceux que l’on considère loquaces à l’oral. Je ne fais pas partie de ceux qui seraient prêts à mourir pour exprimer leurs idéaux lorsque certaines personnes aux idées basses les mettent en péril (formulation magnifique d’un anonyme entendue à la radio et que je me permets de diffuser). Et pourtant, regarde un peu comme je suis bavarde sur écran.
Quel que soit le moyen qui nous convienne le mieux, celui avec lequel on se sent le plus à l’aise, nous pouvons nous exprimer. Pour certains, ce sera en quelques caractères, en quelques bons mots habilement associés. Pour d’autres ce sera par le biais d’un dessin, d’une photo, ou comme moi, de plusieurs pages Word. Contrairement à ce que j’ai pu entendre, je ne dirai pas qu’exprimer ses opinions est un devoir. Mais c’est un droit, et il convient à chacun de choisir de les exprimer ou non et de choisir son moyen de diffusion.
J’ai choisi d’écrire une « petite » bafouille, comme dirait Pierre Perret, rédigée sur un coin de MacBook, sur un coin de table, juste parce que j’en ressentais le besoin. Et que je peux le faire. Et que j’en ai le droit. Et que si je ne le fais pas, il y aura toujours quelqu’un pour le faire, n’en déplaise aux kalachnikovs.

Touche pas à mon Charlie.
Touche pas à mon crayon.
Touche pas à mon clavier.
Touche pas à ma liberté d’expression, nom d’une pipe.

Touche pas à ma liberté d’expression, (au) nom de Dieu.