mardi 5 août 2014

Lettre à France


Depuis que je suis loin de toi
Je suis comme loin de moi
Et je pense à toi là-bas
Oui j'ai le mal de toi parfois
Même si je ne le dis pas
Je pense à toi tout bas...


France,

Non. 

CHÈRE France. 

Oui voilà, chère France. 

         Comme dirait Sofiane (mais si, tu te souviens de Sofiane, l'ex de Nabilla principalement connu, enfin, connu de moi, pour sa chanson d'amour qui fleure bon le silicone et presque digne de Joe Dassin et de son Été Indien. Sofiane, non mais allô quoi. Tu es chanteur de r'n'b et tu ne fais pas un clip où tu dessines des cœurs dans la buée d'une paroi de douche ? Non mais allô ?), "lady tu vois je fais le premier pas". 


Voilà, France, je sors le drapeau blanc, le calumet de la paix, bref, ce que tu veux pour que l'on enterre enfin la hache de guerre. Ou qu'on enterre Elvis, puisqu'on ne te la fais pas à toi, ni à moi d'ailleurs, on sait bien qu'il n'est pas mort, Elvis. J'en veux pour preuve qu'il a encore récemment marié deux candidats de Secret Story à Las Vegas. Pauvre vieux, il méritait meilleur sort, on est d'accord, mais on ne sait pas, après tout, peut être qu'il s'épanouit dans ce nouveau rôle. Ne jugeons pas trop vite, France.


         Car s'il y a bien une chose que j'ai appris depuis que je t'ai quittée, c'est le poids des préjugés dans le cher pays de mon enfance. S'il y a bien une chose dont je me suis particulièrement rendue compte (et que mes camarades anglais ont si bien mis en exergue) c'est cette tendance (est-elle vraiment fâcheuse, à toi de voir) de juger les gens, par leur apparence, leur façon de penser, de parler, les vêtements qu'ils portent, le supermarché ils font leurs courses, bref, tmtc, France. Alors bien sûr, tu me diras, c'est simple de critiquer, mais je ne critique pas en fait, non. Parce qu'il ne faut pas croire que les anglais sont blancs comme neige. Ah que non (amis de Johnny bonsoir). Eux aussi critiquent, jugent, se moquent... Comme partout, ça dépend des personnes. Il y a des gens très tolérants en France aussi, je suppose.


         Une autre chose que j'ai remarqué ici, France, c'est, comme Gad Elmaleh nous l'a rappelé avec tant d'humour quand nous sommes allées le voir au Soho Theatre avec Adèle (j't'avais pas dit? Bon, eh bien maintenant, tu sais), on a moins tendance à te répéter ces quelques mots qui rythment la vie chez toi, France: "non", "impossible", "tu n'y arriveras jamais" et bien sûr, "avance connard", si cher à mon cœur et qui prouve ta nationalité plus qu'un passeport. Par contre, ne va pas croire que la perfide Albion est un pays merveilleux où tout le monde vit heureux et où il pleut des billets. 


Non, les étudiants doivent s'acquitter de 35 000pour une licence, leur sécu est loin d'être aussi généreuse que la tienne, un ticket de métro coûte 3pour rester en centre-ville, une coupe de cheveux vaut environ 60si tu tiens vraiment à faire la délicate et insister pour qu'on te fasse un shampooing, et vivre seul est un luxe seulement accessible à... à personne en fait. 


Alors oui, ils ont les cheesecake au citron de chez Eat, des forfaits de portables pas chers (mais également beaucoup de sous-sols où il n'y a pas de réseau), une histoire culturelle assez cool (Rolling Stones et autres garçons dans le vent et frères mancuniens accros de la castagne), une capitale avec beaucoup d'espaces verts et de musées gratuits et des monuments plutôt sympas. Non allez, Londres est une ville fantastique. Mais après presque un an passé ici, je ne me suis jamais sentie aussi française.


         Voilà, je l'ai dit, France. Mon cœur t'appartient. Mais m'éloigner de toi m'a permis de mieux comprendre à quel point je t'aimais. Me retrouver seule m'a permis de réfléchir, d'apprendre à faire les choses seule pour être parfaitement armée pour affronter toutes les difficultés de la vie lorsque je rentrerai au bled. France, sache-le, tu es et tu resteras toujours mon bled, quoi qu'il arrive. Tu es même le meilleur bled du monde à mes yeux.


       Je suis partie pour vivre un rêve, France. Et j'ai vécu beaucoup plus que ça. Ça n'a pas toujours été simple entre toi et moi. On n'a pas été tendres l'une envers l'autre, mais maintenant, je saurai t'apprécier à ta juste valeur. 


Je t'ai quittée, mais je ne t'ai pas abandonnée, France, ne l'oublie jamais. En partant, j'étais jeune et naïve, mais ça c'était avant, comme dirait Alain Delon et ses belles lunettes. Maintenant j'ai 21 ans alors ça ne rigole plus. J'ai du plomb dans la tête, tu vois (au figuré bien sûr, mieux vaut ne pas trop rigoler avec ce genre de choses en ce moment). Malgré tous mes efforts et même si j'ai essayé de m'intégrer à la culture locale, de me fondre dans la masse, je n'y suis pas parvenue. Enfin, c'est mon sentiment. Je ne peux tromper personne, tout le monde voit bien que je suis française, et tu devrais être fière. En tout cas, moi, je le suis. Londres est une ville tellement immense, multiculturelle et riche que tu peux en faire ce que tu veux. C'est elle qui s'adapte à toi. Comme toutes les grandes villes et même comme n'importe quel endroit au final, je suppose. Si ce n'est, bien sûr, qu'il y a plus de choses (techniquement parlant, c'est indéniable) à faire ici qu'en Lozère. Ne te vexe pas Lozère, ça ne veut pas dire que je ne t'aime pas. On apprendra à se connaître. Enfin...


         Lorsque je vivais encore sur ton territoire, France, j'avais l'impression d'être incomprise, de ne pas être à ma place. Et je m'étais persuadée que ma place était ici, de l'autre côté de la Manche. J'ai essayé mais même si je me sens relativement bien et que j'ai commencé à me construire une vie ici, je ne comprendrai jamais aussi bien ce pays et cette culture que je te comprends toi, France. Il n'y a pas juste du blanc ou du noir partout. Mais tout n'est pas gris pour autant. Non, la vie est un damier, et quel damier! Un magnifique kaléidoscope. 

         Pour autant, je sais que la vie n'est pas facile pour toi en ce moment. 


On a connu des jours meilleurs et on en connaîtra d'autres, ne t'en fais pas. C'est pourquoi il vaut mieux que je reste encore loin de toi un moment. Je ne veux pas te voir malade, France. Mais je suis à ton chevet, sache-le, même de loin. Je continue de m'intéresser à toi, à tout ce que tu crées et tout ce que tu as à offrir. De mon pays pas si lointain, je continue de cultiver ma différence et j'apprends tant de choses chaque jour sur la situation complexe des étrangers tiraillés entre leur culture mère et leur culture d'accueil.


         "La France on l'aime ou on la quitte", a dit un jour un petit monsieur (je suis bien placée pour dire ça, tien) qui aime bien les Rolex et les lunettes de soleil. Et les talons, ça nous fait un point commun. 


Je t'ai quittée mais ce n'est que pour mieux te retrouver. Je continue d'apprendre ici, de grandir et de prendre ce que ce pays a de mieux à offrir, pour te rendre fière et briller à mon retour. Mais je compte aussi sur toi pour te rétablir. Si tu veux avoir le privilège que je revienne, il va falloir que tu y mettes du tien aussi. Et lorsque nous aurons toutes les deux reconquis ou ne serait-ce qu'acquis ce potentiel fabuleux, alors nous ferons des étincelles. On a tant de choses à s'offrir. Mais avant cela, nous avons tant de chose à nous prouver. 

         Pour enfin mutuellement nous mériter.


         Voilà, France, je t'ai dit ce que j'avais sur le cœur et surtout au bout des doigts. Tu l'auras compris, comme Schwarzenegger, "I'll be back". Tu es loin d'en avoir fini avec moi et je suis loin d'en avoir fini avec toi. Car oui, France, je suis dingue de toi, je suis folle de toi, même si je ne m'attendais vraiment pas à ça (je cite encore Sofiane, une si grande influence. Tu sais produire des talents, France, tu en as la preuve). Laissons-nous le temps de retrouver notre totem originel (cette fois c'est Brandon de l'Île de la Tentation, je ne peux pas m'empêcher, tu as vu naître de si grands génies, France) et on se revoit bientôt.



See you somewhere down the road, France.



Tu me manques.



Mais surtout, je le sais, je te manque.



  
Il était une fois toi et moi, n'oublie jamais ça. Toi et moi.

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